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Les Français à l'étranger

Étrange phénomène que de croiser partout des Français, à toute période de l’année et aux quatre coins du monde. Aucun autre peuple n’éprouve un tel besoin de voyager.
Nous sommes pourtant loin d’être le pays le plus riche. Nous connaissons au contraire un réel déclassement, et cela ne s’arrange pas, surtout ces dernières années. Malgré l’inflation, la paupérisation, la récession des classes moyennes, les Français se ruinent littéralement pour s’envoler loin de leur terre. Jamais ils ne diront clairement pourquoi, ou même ne le reconnaîtront explicitement. Veulent-ils échapper à l’insécurité, à la violence endémique, aux tensions sociales et politiques, au bruit ? Peut-être ne le savent-ils pas eux-mêmes.
Il y a là de leur part soit une hypocrisie, soit un déni très puissant. De fait, il est impossible de savoir précisément ce que les Français fuient.
Pas une destination, même la plus lointaine, n’exclut d’en rencontrer, animés semble-t-il par un besoin vital de s’évader de leur pays, de s’en éloigner le plus possible, le plus fréquemment qu’ils le peuvent, de l’oublier.
Ces moments donnent lieu à des situations malaisantes où, plutôt que de se saluer et d’échanger quelques mots en signe de connivence, ce que font les citoyens d’à peu près tous les pays de la planète au contact d’un compatriote, l’on se regarde en chien de fusil, dans une saillie paranoïaque. Ou bien l’on affecte de s’ignorer, ne cherchant même pas à se dissimuler mutuellement le déplaisir occasionné. C’est très troublant.
Partout dans le monde, à l’étranger, des Italiens se lient à des Italiens, des Chinois font société avec d’autres Chinois, des Américains en voyage se saluent fraternellement, etc. Mais les Français, eux, ont la spécificité de s’éviter ostensiblement. Les Français à l’étranger ne se communautarisent pas, ne forment aucune diaspora. Ne se fréquentent que pour des motifs professionnels et contingents. Ils font à peu près tout pour ne jamais avoir à se côtoyer.
Au fond, je crois qu’ils se haïssent entre eux. Les différends qui se creusent au sein de la population sont beaucoup trop profonds, existentiels, peut-être irréconciliables.
Allons-nous réellement finir par nous entretuer ? On se croirait un peu à l’aube d’une partition, ou bien d’un grand carnage.